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reenway, Angleterre, début du XVIIIe siècle. Les temps sont durs et la misère guette les habitants de ce petit village côtier. Évidemment, quand la faim menace, les notions de bien et mal deviennent élastiques. De récupérateurs d’épaves échouées sur la plage à «facilitateurs» d’incidents malheureux, la tentation est grande. Ainsi, certains ont imaginé un système afin d’encourager les «accidents» et sont devenus naufrageurs. Ils allument des fanaux pour tromper les navires de passage et les attirer sur les hauts-fonds. Il n’y a plus qu’à se servir ensuite. Ce n’est pas très chrétien, mais face à l’alternative, tout le monde accepte de détourner les yeux. Jusque là, l’audacieuse combine se déroule sans anicroche, sauf que leur dernière «victime» est un bateau de chez eux et, certains, des marins noyés ou brutalement achevés pour éviter les témoins gênants, des connaissances. Pire encore, il y avait une personne d’importance à bord et l’Amirauté a décidé de mener une enquête sérieuse. Il va falloir jouer serré, sinon, c’est le gibet assuré…
Un vague fond historique, une activité délictueuse connue sur toutes les côtes de la planète, énormément de sang et une morale à géométrie variable passablement sombre et inique : Rodolphe a tricoté un scénario crispant hautement dramatique. La frontière entre les gentils et les méchants est floue, les caractères trempés dans un acier glacial et les péripéties sont toutes plus terribles les unes que les autres. En résumé, un récit au tempérament implacable, forgé par les tempêtes et tanné avec un whisky âpre au possible. Techniquement, la machine fonctionne impeccablement et la narration file naturellement. Par contre, quel pessimisme à propos de la nature humaine ! Il y a bien Jim et Jenny pour se poser quelques questions et réprouver les agissements de leurs concitoyens, mais que peuvent-ils faire ? Un gamin et une aveugle ? Rester discrets, se taire et se limiter à survivre, c’est à peu près tout face à cette avalanche de violence meurtrière. En bon conteur maîtrisant à la perfection son art, l’auteur d’Iruène fait passer un message, celui-ci n’est pas spécialement optimiste. Dont acte.
Classique, bien posé et doté d’un souffle certain, le dessin de Laurent Gnoni s’avère adapté à la fureur de cette histoire balayée par les embruns. Moins élégant et précis qu’André Juillard et Patrice Pellerin, son trait expressif et direct se trouve plus dans la lignée de celui de Corentin Rouge ou d’Eric Warnauts et Raives. Outre des protagonistes parfaitement campés, le dessinateur se démarque par une science du cadrage impressionnante. Le découpage des scènes se montre dynamique et particulièrement percutant. Résultat, le lecteur se trouve toujours plongé au cœur de l’action. Du bel ouvrage.
Pas de quartier, ni de concession ! Naufrageurs propose une vision inquiétante et désespérante de la société. Plus globalement, il s’agit surtout d’un album à la facture ultra-classique réalisé tout en maîtrise et autorité. En revanche, comme le disait le poète : «Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir.»
Jusqu'où peuvent aller les Hommes pour survivre ? C'est la question centrale qui sera explicitée à plusieurs reprises et la clef de voûte de ce 'one-shot'.
Nous suivons un village côtier anglais du XVIIIe siècle soumis à la pauvreté et à la faim. Afin de faire face, certains ont imaginé un stratagème destiné à faciliter le processus de naufrage des navires, pris dans des tempêtes non loin des côtes. Suite à un naufrage impliquant un gentilhomme français, une enquête est lancée et il ne faudrait pas que quelqu'un ou quelque chose puisse amener des suspicions sur ce village.
Voilà une œuvre techniquement très belle et carrée au niveau du découpage et de l'action pour un résultat flattant les rétines. Les différentes teintes nous immergent dans cette histoire où la manichéisme disparaît et la frontière entre bien et mal devient floue. Seuls Jim et Jenny échappent à cette réalité en incarnant l'innocence et la faiblesse propre à leur âge et condition.
Le déroulé du récit est très classique et balisé mais se suit sans déplaisir. Mon principal reproche porte sur le manque de développement et manque de pages pour étoffer certains personnages et l'histoire de façon globale. Autre reproche, aucun personnage adulte n'est mélioratif ou porteur d'espoir, noir c'est noir… Cela reste un bon 'one-shot' au demeurant.