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uillet 2018, un chalutier navigue en direction de son port d’attache sur l’île de Ré. À son bord, Théo, Laurent, Paul et Jordan, quatre gaillards, tous aux prises avec des soucis domestiques qui leur empoisonnent la vie. Lorsqu’ils tombent sur des sacs de cocaïne à la dérive, ils y voient un signe du destin et l’occasion de changer les choses. Le radar ne détectant aucune embarcation dans les environs, le quatuor décide de se diviser les quarante kilos de poudre en se promettant de garder le secret. Chacun s’empresse néanmoins de partager la bonne nouvelle et tout part en vrille.
Auteur complet, Gaël Séjourné propose un récit enlevé et sans aucun temps mort. En quelques jours s’enchaînent les surdoses de drogue, menaces par des durs à cuire, poursuite de voitures, accident et meurtre. Les hommes ont mis le doigt, voire la main entière, dans l’engrenage et ils n’arrivent plus à s’en sortir. Ils paient cher leur cupidité et leur décision de se frotter à un Milieu interlope dont ils ne connaissent pas les codes. Bien que le drame soit omniprésent, le scénariste casse régulièrement le rythme : célébration de la victoire de la France à la Coupe du monde, témoignage d’amour filial, naissance d’un bébé, jeux de mots foireux d’un des gangsters et, en fin d’album, révélation de l’identité des témoins écoutant Paul, le narrateur de cette saga.
L’histoire de Marée blanche fait irrésistiblement penser au cinéma des frères Coen ; le navire, Fargo, porte d’ailleurs le nom d’un de leurs films les plus célèbres. Comme c’est fréquemment le cas chez ces cinéastes, l’enchaînement des événements et des péripéties a quelque chose d’irréaliste. En fait, il y en a tellement qu’ils en deviennent presque banals.
Le trait de l’artiste est réaliste lorsqu’il illustre les rues du village et quelques jolies représentations de la mer. Son traitement graphique des acteurs se veut davantage semi-caricatural. Ces derniers jouent avec intensité, les émotions, très vives, se lisent sur les visages, lesquels sont souvent présentés en gros plans. Les scènes d’action ne sont pas nombreuses, mais elles demeurent toujours maîtrisées.
Un agréable polar, intelligent et bien scénarisé.
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