L
’homme se dit silencieux, mais il est des silences qui valent bien des discours…
Une page blanche, un trait noir, des aplats qui le sont tout autant. Une ligne, puis une forme ; l’esquisse d’un mouvement, puis la vie. Au début, le verbe est rare ; puis progressivement, même si les silences prédéfinissent l’essentiel, seuls les mots - avec leur simpliste évidence ou leur pédantesque abstraction – peuvent en ciseler les contours pour en exprimer toutes les nuances.
Le jour, une foule hétéroclite aux motivations composites envahit les allées de cette gare devenue musée. Mais le soir venu, Les raboteurs de Caillebotte délaissent leur ouvrage, La Pensée d’Aristide Maillol se confit, L'Origine du monde se fond dans la nuit et Berthe Morisot guette à la fenêtre celui qu’elle fascine, tandis que Les Célébrités du Juste milieu jouent les commères...
Christophe Chabouté possède l’art et la manière de transposer sur le papier, les émois de la psyché de ses personnages et le mystère des lieux. D’une incroyable simplicité, mais d’une évidente justesse, il dessine les visiteurs et les visités avec une profondeur et une précision qui revêt une forme d’aboutissement. Tout est dit, en peu de mots, en une séquence, en quelques planches.
Par bien des égards Musée est, à l’image des tableaux et sculptures qu’il dépeint, le fruit d’un processus individuel d’interprétation qui transcende le quotidien et acquiert une dimension artistique au travers de l’émotion suscitée.
À lire avant d’aller se perdre à Orsay et de secrètement espérer pouvoir y passer une nuit à câliner L’Ours de François Pompon ou à se consumer pour Madame Rimsky Korsakov.
La meilleure BD à ce jour de Chabouté. Un conte poétique, humaniste et tendre qui parle des deux collections du Musée d'Orsay : les œuvres d'art mais aussi les visiteurs. Une réflexion philosophique sur la vie, la mort, l'amour, l'absurdité de l'existence, .. Une suprême respiration entre pages muettes et pages avec dialogues. Une œuvre universelle où l'humanité de chair et de sang et celle de toiles et de pierre nous expliquent avec une fausse naïveté que la vie est belle dans sa diversité. Et comme d'habitude, une maitrise totale du noir et blanc, déclinée à travers les scènes diurnes et nocturnes. Et la fin où Berthe Morisot finit par rencontrer le promeneur entraperçu sous les fenêtres scelle la fusion des deux mondes, dans un amour absolu.
Du très grand Chabouté. Au travers des échanges entre les statues et les peintures du musée d'Orsay, qui tous les soirs prennent vie pour commenter à leur manière l'attitude des nombreux visiteurs de la journée, Chabouté, tel un magicien, porte un regard tendre, naïf mais parfois critique sur notre monde. Une parfaite réussite