U
ne chronique suivie, attendue et redoutée dans un hebdomadaire important, invité permanent à la radio lors d’une émission de grande écoute, Gilles Collot-Sopièdard – Collot pour les intimes – est l’humoriste grinçant du moment. Dans les repas et autres soirées qui comptent, il est celui qui allume les mèches et aligne sans pitié les personnalités qu’il estime le mériter. Pas encore à la télévision, il préfère rester en retrait (une rumeur persistante l’annonce bientôt dans un show prestigieux cependant). Homme d’esprit fait d’acide et de téflon, il semble inarrêtable. Pourtant, derrière la façade et ce petit sourire en coin, il y a un être humain, un passé et une histoire familiale passablement perturbée. Afin de rester au top, quelques petits ajustements avec une psy sont même nécessaires. Et puis, il y a cette invitation à l’anniversaire de son frère qui vient troubler ce quotidien tout parisien. «-Tiens, tu as un frère ?» lui demande son fils. «-Oui, une sœur aussi, je ne t’en ai jamais parlé ?»
Depuis la parution de l’adaptation BD du Fils du yéti, Didier Tronchet a changé son fusil d’épaule. De l’humour noir, il est passé à la chronique et au roman graphique intime. Par contre, si le genre et la manière ont changé, l’homme est resté le même : héros décalé et inquiet, fort encrage dans le Nord de son enfance et, toujours, ce mélange de souvenirs personnels et d’inventions burlesques ou presque. L’année fantôme est sur ces points un de ses albums les plus aboutis. En effet, il est impossible de ne pas voir en Collot une version fantasmée de l’auteur. Humoriste monté à Paris, expériences dans divers milieux culturels, passé familial compliqué, énormément de doute, les deux partagent assurément une trajectoire comparable. Un avantage néanmoins, Collot est fictionnel, il est donc possible de pimenter sa vie et d’exacerber quelques détails pour le plaisir et le suspens.
Personnages secondaires percutants finement ciselés, un sens de l’observation sans pareil, une précision ultime pour décrire la psychologie tiraillée de son protagoniste principal et un sens du dialogue imparable, le créateur de Jean-Claude Tergal a tissé une saga générationnelle généreuse et nullement gratuite. De l’honnêteté avant tout : défaut, qualité, faiblesse, il ne laisse rien passer à son héros. Dans le même temps, il ne l’abandonne jamais et lui octroie toute l’attention et la douceur dont il a besoin. Résultat, tout au long de cette enquête sur la trace de ces douze mois d’enfance évaporés, le lecteur est littéralement happé. Il souffre, espère, pleure et rigole avec lui et sera certainement bouleversé par les ultimes révélations. Oh rassurez-vous, rien de véritablement tragique, simplement une histoire remplie d’amour et d’humanité.
Malgré une entame un peu longuette, L’année fantôme offre finalement un superbe moment de lecture, tout en émotion. Didier Tronchet se livre avec sincérité, sans jamais se contempler ni imposer un pathos trop formel ou surjoué. En résumé, un très beau travail romanesque parfaitement équilibré et raconté.
Collot est un humoriste pas si drôle qui va se retrouver à fouiller dans son passé. Le scénario de cette BD nous offre une vraie introspection du personnage principal. En effet, ce dernier qui se croyait intouchable dans son succès va devoir se remettre en question. Pour cela, il va renouer avec sa famille dont il s'était quelque peu éloigné. J'adore les histoires de famille, surtout celles qui sont remplies de suspens et de secrets. Autant vous dire qu'avec cette BD, je n'ai pas du tout été déçue. J'ai accroché à l'histoire dès les premières vignettes. Le personnage de Collot est tour à tour, agaçant, pathétique puis finalement attachant.
Esthétiquement, j'avoue que ce n'est pas ce que je préfère dans la BD. Néanmoins, j'ai été sensible aux ambiances de couleurs différentes suivants les lieux ou les époques. En revanche, je suis beaucoup moins conquise de la façon dont les personnages sont esquissés.