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imon Hope, jeune adolescent obèse, vit dans un quartier modeste, quelque part en Grande-Bretagne. Suivant les conseils d’une voyante, il mise toutes les économies de son père aux courses de chevaux. Il a tout bon, remporte seize millions, mais comme il est mineur, le gamin ne peut encaisser son gain sans un de ses parents. Manque de pot, sa mère, violemment battue, repose dans le coma ; son époux se révèle quant à lui introuvable. La fortune du garçon attise évidemment bien des convoitises et les ennuis ne font que commencer.
Le Suisse d’expression allemande Martin Panchaud signe un drame humoristique que les frères Cohen ne renieraient probablement pas. La trame de base de La couleur des choses est relativement convenue ; c’est après que tout se complique. Défiant les conventions, l’auteur n’hésite pas à abattre le quatrième mur en apostrophant son lecteur. Il interrompt parfois le cours de son histoire et adopte une approche encyclopédique pour expliquer le fonctionnement d’un TASER X26, les migrations des baleines ou désigner l’endroit précis pour frapper et faire souffrir son adversaire.
C’est toutefois au niveau graphique que le projet surprend le plus. Pratiquement tout est filmé en plongée. Les lieux, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, ressemblent à un plan ; très large à certaines occasions (une rue, voire un arrondissement en entier) et à d’autres rapproché (une pièce ou encore une table sur laquelle des objets sont posés). Seuls quelques éléments sont extraits de ces projections ; ils apparaissent alors hyper détaillés et contrastent avec l’ensemble.
Les personnages évoluant dans ces décors sont pour leur part représentés par des pastilles de couleurs, comme s’ils portaient un sombrero. Le rendu est étonnant, un peu artificiel, et rappelle, d’une certaine façon, la préhistoire du jeu vidéo. Certaines situations sont décrites à l’aide de graphiques ou de lignes du temps, le bédéphile a à ce moment l’impression d’assister à une présentation construite sur PowerPoint. Les références à la publicité sont également omniprésentes. Bref, l’artiste pioche dans un corpus pictural qui va au-delà de la bande dessinée en particulier et de l’Art en général.
Bien que le résultat soit en apparence austère, le livre se montre d’une lecture fort agréable. Les codes narratifs s’apprivoisent bien et la mécanique du récit demeure sans failles. Tous les segments, même les plus surprenants, finissent par trouver leur sens. Le scénariste a eu l’intelligence de construire son anecdote à partir d’un canevas archétypal (famille pauvre, harcèlement, intimidation, père absent, etc.) afin que le lecteur se retrouve en terrain connu, même si la forme du projet est déstabilisante.
Un album susceptible de plaire aux amateurs de Chris Ware et de Marc-Antoine Mathieu.
Un véritable OVNI que cet album !
J'avoue l'avoir souvent feuilleté en librairie, puis reposé , assez perplexe quant à son contenu . Et puis, le festival d'Angoulême est passé par là en distinguant ce livre. Il faut remonter à 2016, avec "Ici" de Richard Mc Guire, également autre OVNI, pour qu'un lauréat du Fauve d'Or attise autant ma curiosité. Au vu des bonnes critiques lues ici ou là, et sur les conseils de ma libraire (pour qui , ce livre était son coup de cœur depuis sa sortie), j'ai enfin franchi le pas en l'achetant.
En suivant les aventures de Simon, Martin Panchaud nous entraine à la fois dans un polar, un road movie, et une comédie extrêmement bien agencés. Le scénario repose sur un travail d'orfèvre, et une fois lancé dans la lecture, j'ai eu du mal lâcher ce livre.. C'est presque addictif.
Mais ce qui fait la force de ce récit, c'est évidement sa forme En découvrant l'histoire de Simon du "dessus", le lecteur peut être à première vue être décontenancé voire déstabilisé, mais il n'en est rien, et je me surpris à découvrir un récit fluide, où la façon de représenter les personnages ne gâche en rien le plaisir de lecture, au contraire.
Avec un dessin presque géométrique, presque tiré au cordeau, Martin Panchaud me fait curieusement songer à Chris Ware, ce qui n'est pas une mince référence.
Découvrez donc le destin du pauvre Simon, si habilement mis en scène par Martin Panchaud.
Ce livre relève à la fois de la pépite et de l'originalité.
Pour une fois,depuis bien longtemps, je rejoins l'avis du jury du festival d'Angoulême.
Il serait bon de rappeler à certains critiques que le D de BD signifie dessinée. Un album illustré de schéma powerpoint peut donc difficilement prétendre à ce titre, fût-il primé à tel ou tel festival.
Original mais je n'ai pas tenu plus de dix pages. Non seulement c'est rébarbatif mais je n'ai pas envie de faire le boulot du dessinateur à sa place.
Découpage et structure de l'album déroutante mais se positionner au-dessus comme en position "méta" est intéressante, avec cette impression que l'on voit tout et que l'on pourrait diriger la vie de Simon. Mais malgré tout l'histoire se déroule sans notre pouvoir de changer les choses. L'histoire est bonne avec les rebondissements attendus d'une vie particulière, le job est fait. La lecture est assez déroutante avec les croisements des "dialogues" bulles, qui pourrait être plus claire, le défaut de cette BD. Les amoureux de curiuosité se régaleront !
Paru sans faire de bruit au mois de septembre, « La Couleur des choses » s’est imposé ces dernières semaines comme un mini-phénomène éditorial, bien en vue dans les têtes de gondole des libraires. Et on comprend pourquoi, même si un premier feuilletage n’est pas forcément engageant. En effet, quel intérêt pourrait avoir une bande dessinée (mais sommes-nous encore dans la bande dessinée ?) où les personnages sont remplacés par des petits cercles de couleur évoluant dans un décor minimaliste en vue aérienne ? Oui mais voilà, dès que l’on attaque la lecture, la magie opère. D’abord intrigué, on est vite happé par le récit, pour être ensuite littéralement hypnotisé par cet ouvrage décidément hors normes.
Et si le graphisme est d’une audace incroyable, la narration n’est pas en reste, tant s’en faut, avec un synopsis imparable, digne des meilleurs thrillers, assortie d’un dénouement « WTF » pour le moins inattendu. On est ému par le sort de ce pauvre garçon, Simon, sur qui des mauvaises fées ont dû lancer un sort à la naissance. Issu d’un milieu familial défavorisé, souffrant d’obésité et harcelé par les caïds du quartier, Simon aura toutefois cette « chance » d’avoir joué les bons numéros au tiercé sur les bons conseils d’une voyante à qui il avait rendu service. Mais quand on ne nait pas avec les bonnes cartes en main, même un coup de fortune comporte des revers… P***** de destin ! Le jeune garçon va se voir entraîné dans une spirale infernale que son statut de mineur va compliquer (non majeur, il ne pourra percevoir les gains sans l’aval de l’un de ses parents) et qui va lui faire perdre les dernières illusions de l’enfance. Car en effet, cette histoire de ticket gagnant placera Simon aux premières loges d’un spectacle peu glorieux, celui du monde des adultes où méchanceté, violence, convoitise et cupidité en seront les principaux protagonistes, où la couleur des choses prend souvent une teinte glauque.
Avec cette œuvre extrêmement ludique, Martin Panchaud, auteur suisse tout juste quadragénaire, prend un malin plaisir à brouiller les codes du neuvième art par une lecture en vue aérienne, en substituant par exemple des plans de maison aux cases, en inventant une nouvelle iconographie par l’insertion de pictogrammes, représentations graphiques et divers symboles au milieu d’un déroulé narratif qui s’autorise toutes les fantaisies. Le résultat est véritablement bluffant, plaçant l’objet quelque part entre la pièce de théâtre, le jeu de plateau et l’appli de smartphone.
Démarche oubapienne révolutionnaire, qui n’est pas sans rappeler le travail d’un certain Chris Ware mais aussi cette vertigineuse machine à remonter le temps qu’est « Ici », de Richard Mc Guire. Déjà récompensé par le Grand Prix de la critique, nommé en sélection officielle à Angoulême, il n’est pas du tout impossible que « La Couleur des choses » obtienne le Fauve ultime, mais on peut aisément parier sur une attribution du Prix de l’audace.
super enfin une bd vraiment originale de originale je là recommande chaudement les couleurs sont extra et les dessins me plaisent beaucoup.
Evidemment, l'originalité graphique de cet album en fait un objet de curiosité et donnera matière à parler. Sauf que surprendre et être original, c’est bien, mais le faire de manière convaincante, c’est mieux.
J'avoue avoir été très hermétique à cette BD, même si la frustration à la lecture s'est un peu atténuée au fil des pages, au fur et à mesure que je me suis fait aux concepts de l'auteur. Pour autant, lire plus de deux cent pages avec des personnages et des décors représentés majoritairement par des points, des ronds et des carrés ne fut pas pour moi une expérience particulièrement agréable.
A quand la prochaine BD (?) Best Seller de l’année, N&B en 300 planches sur un scénario de points de taille unique au tarif de 30€ ? J’ai trop hâte !!!