Journal d'un solitaire

F igure montante de la bande dessinée chilienne, Catalina Bu débarque en France avec Le journal d’un solitaire, recueil reprenant les deux tomes de ce titre originellement parus en 2014 et 2015. Dans ces instantanés autofictionnels typés BD underground pure et dure, l’autrice raconte le quotidien (le sien?) d’un jeune homme seul et préférant le rester. Son programme de rêve se résume à manger, regarder des séries et à se lover au fond de son lit (le mieux étant de faire les trois ensembles évidemment). Autour de lui, un monde et une société existent cependant et, selon son point de vue, il s’agit de nuisances à éviter absolument (cf. le graphique des excuses pour ne pas aller à une fête).

À partir de ce postulat basé sur la misanthropie mêlée de dépression et de grosse flemmardise (cf. la vaisselle qui s’accumule à la cuisine), Bu a conçu une vision effarante, voire effrayante de l’époque, ainsi qu’une liste sans fin de toutes les petites manies coupables d’un tout un chacun. Certes, le rythme de vie moderne est aliénant, rempli d’absurdité et de conventions sociales crispantes. Sauf, qu’en tant qu’individu, nous sommes les responsables de nos propres choix. Plutôt que de se plaindre de la paille dans l’œil du voisin, il faudrait d’abord commencer à voir la poutre dans le sien. Ça, c’est pour les amateurs de sous-texte. Dans les faits, il s’agit d’une lecture très drôle au ressenti immédiatement contagieux. En effet, au fil des situations et autres moments de solitude, il est impossible de ne pas se reconnaître au détour d’une page ou d’une autre. La scénariste ne fait pas de cadeau, ni à elle, ni aux lecteurs. Heureusement, cette honnêteté brute de décoffrage est contrebalancée par un humour de tous les instants et ce qu’il faut d’autodérision pour ne pas tomber dans le prêchi-prêcha militant.

Œuvre finalement très classique par son contenu et ses réflexions, dotée de dessins pas encore totalement aboutis (quoiqu’une progression soit visible entre le début et la fin de l’ouvrage), Le journal d’un solitaire s’avère être une curiosité intéressante et révélatrice. À découvrir.