Bella Ciao, deuxième fournée, Due. Toujours en mode choral, auto-fictionnel et auto-biographique, tout en se jouant des chronologies, Baru continue sa description de la diaspora italienne à travers la France, la Navarre et, évidemment, la Lorraine. Il fait revivre la courte et violente destinée de la Légion garibaldienne, décimée dans l’Argonne en 1915, elle était composée de volontaires transalpins arborant fièrement la chemise rouge du célèbre nationaliste italien. Un conflit après, une famille se déchire quand un cousin fasciste admirateur de Mussolini dénonce à la Kommandantur un parent communiste en partance pour le maquis. Cet acte lâche provoquera des rancœurs qui perdureront bien après la Libération. Un peu plus tard, les générations s’affrontent sur fond de rock et de chanson napolitaine. Puis, finalement, amour de la bonne chère oblige, c’est autour d’un «véritable» tiramisu que d’ultimes anecdotes sont partagées afin de nourrir un scénario en perpétuelle élaboration.
Discussion à bâtons rompus où les idées sautent du coq à l’âne, Bella Ciao est une mosaïque narrative, certes un peu disparate, mais dotée d’une vie et d’une présence incontestable. Des forts en gueule champions de la mauvaise foi, des mamas éplorées et des espoirs de retour impossible dans la mère patrie fidèlement entretenus années après années, le créateur des Quéquettes Blues affine ses observations et cerne toujours de plus près son sujet central : comment faire pour s’intégrer dans une culture différente et comment celle-ci arrive-t-elle à «absorber» ces citoyens d’un nouveau genre ? Jamais pour la première génération et lentement avec les suivantes, semble-t-il conclure.
Drôles, truculents, touchants, parfois terribles ou tragiques, mais inévitablement bienveillants et remplis de respect, ces récits illuminent et nourrissent littéralement les questionnements de l’auteur. Sans asséner de leçon, ni jouer au sociologue, le scénariste illustre simplement son propos et montre la complexité de ces cheminements et les déchirements intérieurs de ses personnages.
Œuvre de mémoire et excellente démonstration de la force d’évocation de la bande dessinée, Bella Ciao parle avec un accent du sud prononcé, c’est indéniable. Limiter la série à ce seul thème serait cependant réducteur. En effet, le travail de Baru s’adresse à un public bien plus large. Tout d’abord, à tous ceux qui ont choisi d’aller ailleurs pour mener leur existence (peu importe leur pays d’origine) et également au reste de la population. Comprendre les «autres» et la manière dont les administrations traitent ces nouveaux venus est certainement une des clefs indispensables pour réussir un vivre ensemble enrichissant et apaisé.
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