E
t si plusieurs réalités d’un même lieu, reliées entre elles par une simple porte, pouvaient coexister ? En acceptant, pour le compte d’un collectionneur peu scrupuleux, de voler un énigmatique pendentif à une mystérieuse inconnue, Lynn plonge bien malgré elle dans un Paris moyenâgeux mis à sac par des créatures démoniaques obéissant aux injonctions d’un Maître de la Peur. La surprise passée, elle comprend qu’il lui faut rapidement choisir un camp…
Édité par Daniel Maghen, Les rivières du passé réunit Stephen Desberg et Yannick Corboz dans un récit mené tambour battant.
En posant le principe d’univers parallèles, le scénariste du Scorpion hybride les genres et peut travailler des contextes historiques distincts avec, comme dénominateur commun, un inestimable médaillon à l’effigie du dieu Aton. Épopée de fantasy historique et thriller contemporain sont alors les deux facettes d’une seule histoire où, d’un monde à l’autre, Lamia entraine Lynn dans une quête autant ésotérique que mystique, puisque l’émergence de la première religion monothéiste semble être le thème sous-jacent de ce diptyque.
Aux pinceaux, Yannick Corboz livre une partition graphique où le trait est omniprésent, que ce soit pour symboliser les mouvements ou souligner les physionomies. Variant la précision de son dessin en allant parfois jusqu’à l’esquisse, la lisibilité des planches n’est cependant jamais vraiment prise en défaut grâce à l’expressivité des regards et la gestion de couleurs. Il se dégage de l’ensemble une intention immédiatement perceptible, même si, visuellement, certaines séquences peuvent s’avérer confuses.
Intense, puissant et non dénué d’une certaine sensualité, La voleuse transporte instantanément le lecteur dans une poursuite sanglante et échevelée à la recherche de rêves endormis et de visions oubliées…
En refermant "Les rivières du passé", l'agréable impression d'avoir lu un album des années 70 /80 ne me quittait pas. Un album d'une autre époque mais pas anachronique pour autant. Non, c'est comme si le phénomène décrit dans l'histoire, à savoir des mondes parallèles évoluant différemment (deux paris d'aujourd'hui, l'un tel que nous le connaissons, l'autre aux allures médiévales) s'était produit à la réalisation de cet album: une bd des années 2020 qui télescopait celles d'il y a 40 ans et nous y replongeait.
Le dessin de Corboz y est sans doute pour beaucoup avec ses faux airs qui rappellent Jean Claude Forest. Le trait est jeté, parfois trop peut-être, mais les couleurs à l'aquarelle le structure parfaitement. L'ensemble est d'un dynamisme exceptionnel et la mise en scène est remarquable; ce sont indéniablement les points forts du dessinateur. Toutes ces qualités ont su emporter mes réticences initiales en feuilletant l'album en librairie, le reposant par deux fois avant de me décider à l'acheter.
Quant au scénario de Desberg, il participe à son tour à donner le parfum des bandes dessinées des années 80. Le récit est échevelé, mystérieux. A côté de cela, des tics d'écriture donnent par moment à certaines tournures des récitatifs un lustre pompeux qui peut faire sourire à l'instar de Jean Dufaux quand il se pique de vouloir donner à tout prix dans la formule littéraire grandiloquente. Heureusement, ça ne dure pas et l'action reprend le dessus, nous tenant en haleine pour peu que l'on accepte de se laisser embarquer dans cette histoire d'aventure empruntant des chemins à la fois connus et d'autres plus étranges.
note: 3,5 / 5