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22/10/2005 28 planches


Après quatre ans sans nouvel album, Maëster nous revient... en kiosque tout d'abord avec l'arrivée de Soeur Marie-Thérèse des Batignolles dans l' Echo des Savanes, sous cadre ensuite avec l'exposition que lui consacre le festival Quai des Bulles les 28, 29 et 30 octobre prochains. Coup de projecteur sur cet auteur qui arrive à cacher une grande sensibilité sous des chemises à fleurs hawaïennes !

BDGest' : Alors que nous étions habitués à un rythme d'albums tous les 2 ans environ, aucune nouvelle de toi depuis 4 ans. Pourquoi ce "silence", et qu'as-tu fait entretemps ?  
 
Maëster : J'ai fait mon repassage. J'avais du repassage en retard...  
   
Et puis, outre quelques illustrations et affiches, j'ai notamment fait partie du "Conseil de rédaction" de Fluide Glacial, avec Gaudelette, Léandri et Julien/cdm. Nous étions en quelque sorte le "comité de vigilance de la déconnade" pour maintenir le cap hérité de Gotlib.  
En effet, nous avons connu quelques turbulences au sein du journal. A un moment, nous avons dû mettre en place ce "Conseil de Rédaction" pour éviter le pire. Cela a duré près de deux ans, deux ans également de "luttes syndicales" pour obtenir que les auteurs soient mieux traités et mieux payés. Cela nous a pris beaucoup de temps et ne m'a guère motivé pour travailler sur mes planches ; je dois être un de ceux qui a le moins bénéficié de l'augmentation du prix des pages, vu le peu que j'ai produit alors...  
Puis Louis Delas, directeur de Casterman, a été nommé directeur de Fluide et a placé Albert Algoud au poste de rédacteur-en-chef. Il a décidé de mettre fin au conseil de rédaction, qui avait pourtant bien travaillé, et nous a renvoyés à nos tables à dessin (ou d'écriture pour Léandri).  
Cela ne m'a malheureusement pas redonné une folle envie de dessiner ; j'avais l'impression que les gens qui nous dirigeaient ne comprenaient pas la subtile alchimie qui avait fait  le succès de Fluide.

Maëster  © J.M. Ballester

Je trouve qu'on ne défend plus assez les livres et les auteurs ; il y a dans l'équipe de Fluide des gens de grand talent, comme Relom, Mo/cdm, Bouzard ou Julien/cdm pour ne citer que ceux-là, qui méritent d'être mis en avant. Dans la pléthore de sorties mensuelles d'albums, si un bouquin n'est pas défendu avec acharnement, il est condamné. Et si un de vos albums ne s'est pas vendu, le tirage du suivant sera réduit d'autant. C'est une logique de boutiquier, pas d'éditeur. Les commerciaux de Casterman sont certainement des pro mais ne sont peut-être pas les plus motivés pour défendre les albums Fluide.  
   
Lorsque vous estimez que votre boucher ne vous sert plus correctement ou que sa viande est moins bonne, vous râlez pendant un moment et vous finissez par changer de boucherie ; c'est ce que j'ai fait (après plus de 22 ans) en allant chez Albin Michel.  
J'aurais pu rester à Fluide et y être traité en "privilégié" car j'ai la chance que mes albums se vendent bien. Mais le travail d'une maison d'édition, c'est de défendre les albums les plus difficiles, pas de vivre sur ce qui se vend "tout seul". Il était peut-être temps de tourner la page...   BDG : Le regretté Pierre Desproges se disait "auteur dégagé" en se moquant d’une époque où la création artistique se prétendait très militante. Aujourd'hui les choses sont inversées, l'implication militante est assez rare dans le monde de la Bande Dessinée, et pourtant tu as été (ou tu es encore ?) président de la Maison des Auteurs de Bande Dessinée, Soeur Marie-Thérèse a parfois des positions idéologiques bien exprimées... Te sens-tu "engagé" ?

Maëster : Non, je ne crois pas être "engagé"... ni dégagé, d'ailleurs. Je regrette effectivement que la Bande Dessinée, qui offre un moyen d'expression somme toute très facile d'accès (aussi bien côté auteur que côté lecteur) ne soit pas plus utilisée dans ce sens.  
Dans le dernier album de soeur Marie-Thérèse, j'ai esquissé un léger virage ; il me semble important que mon personnage exprime des idées dont je me sens proche. Je vais d'ailleurs poursuivre dans cette direction dans le tome 6. Nous vivons une époque où il y a beaucoup à dire mais la Bande Dessinée reste encore le plus souvent une forme d'évasion et pas tellement une forme d'expression ou de revendication. Je pense, j'espère que cela va se développer.
 
Quant à l'Association des auteurs de Bande Dessinée, j'ai donné ma démission du poste de président lors de la dernière assemblée, en juin dernier. Il m'était difficile de m'y consacrer pleinement en ayant un album sur le feu. C'est une association qui sert essentiellement de relais d'informations, elle n'a pas vocation à être un syndicat ou une association de défense des auteurs. Il faudra bien un jour que cela existe, il existe bien un Syndicat National des Editeurs, avec sa branche Bande Dessinée... Mais même à cet humble niveau, on s'aperçoit que l'investissement des auteurs est encore très faible ; hormis une poignée d'irréductibles qui se dévouent sans compter, les gens y adhèrent plus en "consommateurs" qu'en "acteurs". Il faudrait que l'on soit beaucoup plus nombreux pour devenir un interlocuteur écouté par le Syndicat des Editeurs ou par les pouvoirs publics. Peut-être que notre profession est profondément solitaire et individualiste mais je regrette que les Grands Anciens soient si discrets pour aider les petits jeunes dans ce difficile parcours du combattant...  

BDG
: Soeur Marie Thérèse nous revient dans l'Echo des Savanes, est-ce son grand retour ? Quid de Meurtres Fatales Graves qui paraissait dans Fluide ?  
 
Maëster : Soeur Marie-Thérèse revient, en pleine forme et en couleurs ; je planche effectivement sur le tome 6 pour Albin Michel, avec prépublication dans L'Echo des Savanes ; je connais Hervé Desinge, le directeur de L'Echo, depuis des années et je lui fais confiance ; il est capable de me dire "non" si ce que je fais ne lui plait pas... Pour les lecteurs, ce passage d'un éditeur à un autre ne devrait rien changer.  
Il est d'ailleurs amusant de constater que dans le tome 5, soeur Marie-Thérèse quittait son couvent d'origine pour aller semer sa zone sous d'autres voutes. Un album prémonitoire, en quelque sorte...  
   
Quant à mes autres séries, elles m'appartiennent également. Je suis libre de les poursuivre, à Fluide ou ailleurs. J'envisage de continuer Meurtres Fatales et peut-être même reprendre Athanagor Wurlitzer (l'obsédé sexuel). Mais pour l'heure, ma priorité est soeur Marie-Thérèse ; la couleur va me demander un peu de temps.

BDG : Une expo t'est consacrée au festival "Quai des bulles" de St Malo. Comment s'est-elle montée ? Qu'as-tu voulu y présenter ?
 
Maëster : Cela fait quelques années qu'on en parlait. Les expos de "Quai des Bulles" sont généralement superbes, il y a une vraie mise en valeur du travail de l'auteur, j'ai hâte de voir le beau costume qu'ils m'ont préparé.  
Après ces quelques années de remise en question, il me semble que cette expo tombe bien. On fait le point avant de redémarrer de plus belle. Y seront présentées diverses facettes de mes envies de gribouilleur. Des planches originales, bien sûr, des dessins de ma folle jeunesse, des affiches, des illustrations, des carnets de croquis et des nus (académiques ou presque) ; j'ai découvert ce plaisir de dessiner d'après modèles et je ne m'en lasse pas (je préfèrerais enlacer les modèles).

BDG : Tu es un des dessinateurs actuels qui maîtrise le mieux les techniques graphiques (réputation soutenue par quelques fans et de nombreux professionnels, et démontrée entre autre par ton livre au Cycliste), comment réagis-tu à ces marques d'estime de tes pairs ?
 
Maëster : C'est gentil mais je suis loin, très loin de maîtriser la technique ; je rame souvent comme un désespéré, j'apprends sans arrêt et je me prends des claques chaque fois que je vois certains de mes petits camarades. Je me souviens de l'expo Frank Pé, de l'expo Wendling, de celle de Jouannigot, de celle de Lepage (toutes à Saint Malo, d'ailleurs). Des claques magistrales. Mais ce sont des claques qui vous motivent, qui vous titillent, qui vous collent des fourmis dans les mains.
 
BDG : pourquoi n'utilises-tu pas plus la couleur directe, ou tes autres talents, dans tes albums, réservant ces capacités à tes autres travaux moins connus ?
 
Maëster : Justement parce que j'ai le sentiment de ne pas suffisamment maîtriser la technique ; quand je vois le travail sur la couleur d'un Yoann ou d'un Michel Plessix, je me dis que j'ai encore beaucoup, beaucoup à apprendre, je suis un nain, à côté (ne le répète pas). Alors, j'expérimente hors des albums parce qu'un album doit garder une cohérence d'un bout à l'autre et que je ne suis pas sûr de tenir la distance. Mais mes expérimentations finissent par se retrouver dans mon travail.

BDG : Outre Soeur Marie-Thérèse, Meurtres Fatals Graves ou Athanagor, tu as réalisé un album assez "à part" : Raven. Album en couleurs directes et totalement muet. Comment expliques-tu que Raven soit si proche et en même temps si éloigné du reste de ta production ? Sera-t-il possible de le revoir un jour dans une distribution "classique" ou sous une nouvelle forme ?
 
Maëster : Raven était une commande des éditions Stakhano, avec un cahier des charges bien précis ; petit format à l'italienne, couleurs et pas de texte. Je l'ai réalisé de retour d'un voyage au Québec et je me suis d'ailleurs très largement inspiré de légendes indiennes et de l'iconographie des masques et totems. Certains artistes amérindiens devraient être crédités à la fin de cet album. Je n'avais sans doute pas suffisamment digéré ces influences lorsque je l'ai dessiné...  
C'était un challenge très intéressant de se passer de texte ; j'ai joué sur les images, les rébus, les associations.  
Les éditions Stakhano n'existent plus, hélas (ils faisaient de très jolies choses en marge de l'édition traditionnelle) ce qui explique qu'on ne trouve plus cet album. Cela m'évitera des procès, voire des vengeances de la part des indiens que j'ai honteusement pillés. Mais ils ont l'habitude, je suis un homme blanc, après tout.
 
Peut-être qu'un jour je le ressortirai, en le retravaillant. On pourra d'ailleurs en voir des originaux à Saint Malo.  
 
BDG : est-il envisageable qu'un jour tu te lances dans des albums moins humoristiques et/ou plus "graphiques" ? Serait-ce en parallèle de ta production "comique" ?
 
Maëster : J'ai quelques idées dans mes cartons ; certaines effectivement moins humoristiques, d'autres dans une veine plus vacharde. Tout cela est une question de temps. Comme je ne suis pas le plus rapide du monde, il faudra être patient. Si cela se fait, ce sera certainement en parallèle avec ma production habituelle ; je ne me vois pas abandonner soeur Marie-Thérèse pour l'instant. Et l'humour permet de toute façon bien des choses...  
J'ai le sentiment que la BD offre une foultitudes de possibilités, que ce soit graphiques ou même "politiques" (au sens large du terme), qui ne sont guère exploitées. C'est un outil formidable ! J'ai envie de voir émerger une BD qui revendique, qui témoigne, qui se révolte, qui se nourrisse de l'avancée des connaissances (en psychologie, par exemple). Cela commence mais nous n'en sommes qu'aux tout débuts...  
Je ne prétends pas que j'irai dans ces directions, mais je me pose des questions sur ma possible évolution. On verra bien...

BDG : Question bateau : quelles influences (BD et autres) revendiques-tu ?


Essai Gotlib - Woodt Allen
Maëster : Ceux qui ont marqué mes yeux d'enfant (et donc mes doigts) restent incontestablement Franquin, Goscinny, Uderzo et Gotlib ; travailler sous sa bienveillance et de temps en temps avec lui est une ivresse quasi mystique, une expérience vertigineuse ; tu te retrouves avec Léonard de Vinci qui te tape sur l'épaule et t'appelle "mon pote"...  
Sont venus ensuite se greffer diverses influences, diversement digérées : Mort Drucker qui faisait les parodies de films dans Mad, Mulatier-Morchoines-Ricord, les plus grands portrait-caricaturistes de Pilote, mais aussi Gir/Moebius, Morris, Alexis, Goossens (un génie à l'état pur qui en a influencé plus d'un), Boris Vian, Philippe Jaenada (auteur à lire d'urgence), Egon Schiele, j'en oublie.  
Je me nourris du travail des autres, encore maintenant. A une certaine époque, on apprenait en faisant ses armes dans les ateliers des grands Maîtres. Comme je n'ai jamais fait d'études spécifiquement artistiques (pas de Beaux-Arts ni d'écoles de ce genre), je butine, je vole aux riches pour donner à UN pauvre, pour enrichir ma palette. C'est un peu plus long mais au moins, je ne m'ennuie pas.  
En ce moment, je recherche des bouquins illustrés par Carter Goodrich, un virtuose de la couleur, ou Peter de Sève. Et je suis tombé sur une monographie d'un peintre animalier prodigieux : Paul Jouve. Attaquant pour la vraie première fois la couleur pour un album (hormis Raven), j'ai besoin de "nourriture".  
Il y a aussi le site de Coconico-world qui exhume des merveilles du passé et présente des merveilles de demain. Jetez un oeil à TS Sullivant, par exemple.
 
Dans un autre registre, mon père m'a également profondément influencé ; il fut clown, entre autres, et a toujours gardé un bel optimisme et une façon de regarder la vie avec le sourire, sans se prendre au sérieux. C'est un bel exemple. Interview réalisée par Christophe Steffan