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Nicolas Juncker

12/07/2005 18 planches

L’été est traditionnellement une période creuse en actualités. C’est l’occasion de revenir sur une petite perle parue au début de l’année. Une fresque historique savoureuse, démente et pourtant véridique. Napoléon est en Russie. « L’empereur est mort ! ». Par cette simple phrase, Malet va faire trembler l’empire. Histoire d'une conspiration burlesque...

BDGest’ : « Malet » est fait à partir d'une histoire vraie. Comment as-tu connu cette histoire ?

Nicolas Juncker : En faisant des recherches en études d'Histoire, je devais faire un dossier et j'avais carte blanche. J'ai été fouiller un peu à Beaubourg, j'ai été attiré par un 4° de couverture : c'était le bouquin "Malet, l'homme qui fit trembler Napoléon". Le titre était un peu racoleur et je me disais que ça devait être marrant. En fait en le lisant j'ai été attiré par l'histoire, et j'ai fait tout mon mémoire là-dessus.
C'était il y a douze, treize ans. Je l'ai gardé sous le coude, en me disant que c'était toujours intéressant comme histoire à raconter en bande dessinée.

BDG : Donc ta motivation, c'est traiter l'Histoire par rapport à un évènement ?

NJ : C'est à la fois, raconter l'événement qui est étrangement méconnu alors qu'il est plutôt marquant, parce qu'il est incroyable ; et voir comment il pourrait rencontrer un écho contemporain sur la désinformation, la rumeur, etc. Tout ce qui peut représenter comment aujourd’hui un état autoritaire basé sur la discipline d'une armée - qui est vraiment l'axe, la colonne vertébrale de l'Empire - tout ça arrive un peu à être cassé par cette même discipline. Parce que par de faux documents, les soldats obéissent.
Et de l'autre côté, c'est une histoire complètement incroyable, complètement folle, et pourtant elle a été vraie ! C’est jouer sur ce côté-là où on a du mal, où on se dit, "ouais ben là, c'est romancé, il invente etc." Il y a des gens qui connaissent Malet, mais pour eux, ils ont dans la tête un type qui a fait un coup d'Etat comme y'a eu d'autres, mais très peu savent la manière dont il a été réalisé. Ca, c'était vraiment ce qui était le plus marquant à raconter.

BDG : Tu parles des faits, avec une interprétation - c'est que tu expliques dans la postface d'ailleurs. Par rapport aux faits historiques, comment as-tu bâti ton texte, en tant qu'ancien étudiant en Histoire ?

NJ : Le but du jeu, c'était d'essayer de ne rien inventer et de rester le plus fidèle possible entre tous les éléments. Parce que si j'inventais 2, 3 éléments, je ne pouvais plus dire : "tout est authentique". De toutes façons, il y avait largement matière, sans rien inventer au niveau de l'intrigue.
Mais il y a forcément un traitement qui est subjectif. Je voulais aussi un divertissement, quelque chose qui aille très vite, qui soit plaisant à lire, avec du mouvement de l'action etc. Donc je ne voulais pas d'une BD chargée de documentation, parce que les documentations, dans une oeuvre historique romancée que ce soit au cinéma, ou en BD, ou n'importe quoi, c'est toujours un peu du pipeau de toutes façons. C'est utile juste sur les personnages, pour que le lecteur rentre dans l'ambiance, et qu'il ne sente pas d'anachronismes trop forts.
Mais pour le reste, il y aura toujours des spécialistes pour dire : « Ah mais non, ça, ça n'a pas pu se passer comme çà, là, tel décor peut pas être là, tel costume ne peut pas avoir existé.»
Quand on travaille sur un sujet historique, il faut bien avoir conscience que l’on est forcément subjectif. On va voir ça avec les yeux d'aujourd'hui et non pas ceux de l'époque. En plus, quand on fait une oeuvre - un travail de bande dessinée – on vase démarquer complètement d'un côté historique rigoureux qui est le travail d'un historien.

On ne peut pas prétendre à une valeur historique, quelle qu'elle soit. Donc à partir de là, autant abandonner tout ça et se sentir complètement libre pour le traiter au niveau du dialogue tout en restant collé aux événements comme je l'ai fait.

BDG
: Et graphiquement ?

NJ : Graphiquement, je voulais quelque chose quand même d'assez réaliste puisque la situation est historique. En dehors des visages que je voulais très expressifs, pour le reste, je voulais quand même que ce soit réaliste au niveau des décors, des costumes, avec des noirs et blancs très tranchés, pour le côté cru et expressif des scènes, des personnages, de Paris la nuit, sous la pluie ...

BDG : Par rapport aux visages des personnages, puisque tu dis qu'ils ne sont pas basés sur les portraits que l’on connaît d’eux, tu as voulu les représenter de façon à jouer sur la narration, ou la vision que toi tu en avais ?
NJ : Plus sur la narration. Un personnage comme Hulin par exemple, j'ai imaginé une représentation qui n'avait vraiment rien à voir avec la réalité : c'était un type assez costaud physiquement, mais plutôt une bonne bouille genre "papa gâteau", alors que ce n’est pas du tout ce que je voulais : le gros bonhomme effrayant qui fasse peur à tout le monde sauf Malet. Le vrai Hulin, n'était pas cette espèce d'ours que je décris dans l'album.
Pour les autres personnages le faciès traduit plus quelque chose lié à leur rôle. C'est parfois un peu facile, c'est plus caricatural :
Lahorie, à un visage droit, parce que c'est un quelqu'un de droit ; Guidal, j'ai essayé de trouver le plus possible un faciès adipeux et repoussant.
Il n’y a que Malet où j'ai essayé d'être plus ou moins fidèle à la retranscription, au visage original. C'est pas vraiment un "copier-coller" mais c'est le visage le plus fidèle.
L'abbé Lafon, j'ai essayé de retrouver quelque chose de dur, anguleux, froid. Mais comme je n'ai trouvé aucun portrait de lui, c'est plus un transfert de la place que doit avoir le personnage dans l'histoire qu’une copie de la réalité ; ni de ma vision du personnage, parce que là encore, je pense pas que Lafon était un être aussi fourbe et calculateur.

BDG : Est-ce que tu considères que « Malet » est avant tout un traitement humoristique par l'absurde de l'Histoire ?
Dans ta narration, on a l'impression que tu as mis l'accent sur l'action délirante de ce coup d'Etat ? Est-ce que la réalité était vraiment comme ça ?

NJ : C’est vrai que j'ai voulu axer là-dessus. C'est ce qui m'intéressait : en faire une anecdote historique qui n'était pas crédible et que personne ne pouvait prendre comme un fait Historique. Parce que c'était trop peu crédible. Justement. Mais en même temps, les faits étaient là pour ça, aussi ! Quand on lit que Savary, Ministre de la Police, arrive à s'enfuir du carrosse où il avait arrêté, mais qu'il se casse la gueule par terre, il arrive à courir, à repartir, il va sur un pont de la Seine, il se fait attraper par des loubards qui traînent et qui le reconnaissent, qu'ils veulent le balancer à la Seine, que c'est Guidal qui vient le sauver etc. Avec des trucs comme ça, y'a pas vraiment de travail à faire pour rendre l'histoire plus absurde qu'elle ne l'est déjà. Mais, c'est vrai que c'était un des axes. A partir du moment où on travaille pour renforcer sur ce côté, de toutes manière, après tout le reste décolle. Parce que ce soit dans l'information, la rumeur, la contre-vérité, etc. l’absurde est présent, aussi bien, dans l'événement lui-même que moi, dans ma retranscription. De toute façon, on ne peut pas être véridique, et je n'ai aucune intention de l'être.
Mais après, j'ai une narration qui m'est personnelle, comme toute narration doit être.

BDG : Les épisodes de l’arrestation de Savary, de la fuite du Préfet, sont des anecdotes très détaillées. Est-ce que tu as trouvé des textes, des témoignages ? Comment est-ce que tu as retrouvé ces scènes là ?

NJ : Moi justement, je n'ai travaillé sur rien du tout. Ce sont des séquences que j'ai trouvées dans des livres écrits par des historiens, ou qui se disent historiens. Donc, à partir du moment où un historien écrit ça, pour moi c’est l’Histoire officielle, point. Je ne me suis pas posé la question une seule fois, à savoir : "qui dit vrai ? qui dit faux ? comment il s'appuie là-dessus ? etc.". Il y a des anecdotes qui paraissent vraiment un peu bizarres, par exemple, le cas où l'abbé Lafont se casse la jambe : il est le seul à le savoir. Comment est-ce qu'un historien a pu savoir çà ? Lafont, il n’a pas pu laisser des mémoires et dire "ben oui j'ai fait semblant de me casser la jambe, parce que j'avais pas le courage de lancer un coup d'Etat".
Je ne sais absolument pas d'où l'historien sait ça, mais il a écrit ça dans son bouquin, moi je le reprends, en toute bonne foi. Et quand j'ai deux versions différentes d'un même événement, je prends la version qui m'intéresse le plus. Du coup, mon « Malet » nous donne une espèce de compilation de tous les moments les plus cocasses de toutes les versions qui ont pu être écrites sur cet épisode. Mais je ne me suis pas une seule fois intéressé à lire des documents d'époque, à faire des recherches en bibliothèque, etc. Parfois je retranscris des scènes qui sont écrites dans des bouquins, - que ce soit l'arrestation de Pasquier ou de Savary - où ils mettent des bouts de dialogues. D'où ils sortent ces bouts de dialogues ? Ca fait bizarre quand même.
Je me suis uniquement attaché à lire des livres d'historiens, en toute bonne foi, parce qu'ils sont historiens et moi en tant qu’auteur je conserve tel quel. Et si on me dit que ce n’est pas historique, qu'est ce que vous voulez que je vous dise ? Ces types sont quand même sensés être sérieux, ils sont à des postes éminents, ils sont professeurs d'université, etc.

BDG : La question ne se pose donc pas vraiment pour toi. Ton intérêt était de raconter ton histoire d'une façon ludique ?

NJ : Ah oui, oui, clairement ludique. Je voulais un divertissement ; quelque chose qui ait du rythme, qui soit soutenu, avec des dialogues, de l'action etc. Mais le truc des historiens, c'est aussi parce qu'en tant qu'auteur de BD, je dis : "voilà, il ne faut accorder aucune valeur historique à ce que je peux raconter" ; mais ce qu'on peut se demander, c'est « quelle valeur accorder parfois à certains bouquins écrits par des historiens ? » Cà, on pourrait en discuter longtemps. (rires)

BDG : Par rapport à l'image que tous les autres personnages ont de Malet - un loser et un fou - toi tu le présentes pratiquement comme un véritable héros. NJ : Bah oui, parce qu'il est quand même épatant ce type là. Moi je le trouve un peu fascinant, c'est vrai qu’il a pas mal de défauts : politiquement parlant, il est pas très blanc, ses convictions politiques sont pas très profondes, il est un peu Républicain, pas par opportunisme mais un peu par dessus la jambe. C'est pas un politicien convaincu, mais en même temps il a des idées qui sont quand mêmes assez folles et il s'y maintient. Il les tient jusqu'au bout, et il y arrive. Et avec des idées à la "mords-moi-l’noeud" il arrive quasiment à renverser un empire ! Il a quand même quelque chose d'épatant. C’est ce qui me fascine : d'avoir cette force là, cette force de conviction. C'est quand même assez fort comme personnage. Je n'avais pas envie de le présenter seulement comme un fou-fou, comme un hystérique. Et puis je crois que le personnage était un peu plus fin que ça aussi de toutes manières, vu là où il est arrivé.


BDG : Qu’as-tu privilégié entre la narration et le travail graphique ?

NJ : J'ai surtout travaillé avant. Je crois que rétrospectivement, le gros du travail c'était surtout côté graphique. Mais au niveau de l'importance, la priorité c’était la narration.
Au départ, il y a eu le story-board ; c'était surtout la narration. Je ne m'étais pas interrogé sur les questions de noirs & blancs. Bon, je savais que ça allait être en noir & blanc, bien sûr, j'avais des cases en tête, des images, des moments séquentiels, des pages, des enchaînements, des vis-à-vis. Je savais déjà que, la biographie de Malet, en plein milieu de l'album allait être en lavis etc. Mais j'avais très peu d'indications sur le reste. Le plus important était que la narration fonctionne vraiment bien ; c'est pour ça aussi que j'ai fait un story-board très poussé. C'était parce que je voulais que mon éditeur le lise, et qu'il n'y ait pas une seule fois où il puisse buter sur un problème de mot mal écrit, ou de dessin pas clair, je voulais vraiment tester ce côté-là. Une fois que ça a fonctionné, c'est après seulement que je me suis posé la question du noir & blanc et parfois je me suis retrouvé dans des situations où cela n’a pas été évident à gérer. C'est toujours pareil : on a quelque chose en tête, puis une fois qu'on veut le faire concrètement, ça coince, on se rend compte que ça ne colle pas du tout.
Ca a été plus long, quand j'étais dessus ma priorité était de faire quelque chose au niveau graphique qui tienne la route, mais c'était quand même secondaire dans le projet général.

BDG : Pourquoi avoir choisi justement le seul noir & blanc ?

NJ : Pour le côté expressif et tranché des visages, des situations. J'arrive beaucoup plus facilement à trouver des images qui soutiennent le propos avec des oppositions crues. Il y a des jeux entre le noir & blanc - que ce soit au niveau des cases, au niveau des pages, etc. - à trouver vraiment des oppositions, des contre-points qui, à mon avis, fonctionnent très bien. Il y a à la fois un côté qui peut être doux, et on peut aussi très vite tomber dans quelque chose de très expressif, donc de très tranché, pour des scènes qui peuvent être violentes, pour des caractères forts, pour montrer un vrai choc psychologique ou physique tout simplement.
Et même le noir & blanc me laisse une grande marge de maneuvre - de l'aplat noir au travail plus feutré pour la fin, quand le soleil se lève, en passant par les pages au lavis pour la vie de Malet, pour obtenir ce côté presque un peu vieille photo quoi, un peu vieille toile, vieille photo.
Donc le noir & blanc permettait suffisamment de jouer là-dessus.
Et puis c'est vrai que pour moi, il y a vraiment quelque chose qui peut ressortir avec le noir & blanc ; Surtout quand on travaille un peu sur ce côté burlesque et un peu absurde des événements. Il en rajoute parfois sur le côté clownesque, dans l'exagération poussée à l'extrême des personnages, des situations ... BDG : La couleur ne te tente pas ?


Premier ouvrage de Nicolas Juncker
NJ : Si, si .. mais peut-être pour d'autres sujets, oui, bien sûr. Pour certains types de projets, la couleur est inévitable. Le but est que ça doit servir la narration, ce n'est pas une fin en soi, c'est juste un outil. Pour d'autres types de projets que j'ai en tête, s'ils se font, ça se fera en couleur, ça c'est sûr.

BDG : Pour l’avenir, tu comptes rester dans le domaine historique, ou plutôt l'imaginaire, ou le contemporain ?

NJ : Je n'ai pas de restrictions. C'est vrai que j'ai plus d'affinités un peu historiques en général ; parce j'ai fait des études d'Histoire... C'est vrai que j'ai plus d'affinité vers l'Histoire, ou la science-fiction, mais je ne suis pas refroidi sur le contemporain, notamment sur un de mes projets actuels. Je n’ai pas d'interdiction.
C'est vrai que je suis plus tenté à la base de travailler sur des faits historiques que j'aime bien. J'adore dessiner des décors et des costumes qui ne sont pas de mon époque. Mais bon, ça dépend aussi, le Premier Empire c'est une époque que je n’aime pas trop graphiquement. Je n’aime pas les meubles du Premier Empire, je n’aime pas les costumes du Premier Empire, je n’aime pas Paris au Premier Empire (rires) ... Ce n’est pas très plaisant à dessiner. Par contre, le début du XX° siècle, le XVII°, c'est vachement plaisant à dessiner ; graphiquement c'est super marrant. Donc, d'un certain point de vue,
de par mes centres d’intérêts, j'aime beaucoup l'Histoire. J'aime beaucoup faire des BDs historiques, peu importe la période, que ce soit des fictions ou des faits réels comme Malet. Mais bon, je vais devoir me calmer sur les événements authentiques parce que j'ai pas envie d'être enfermé dans l'Histoire de l'Oncle Paul revue et corrigée par Nicolas Juncker (rires) … Mais oui, c'est vrai que la BD historique, j'ai vraiment beaucoup d'affinité pour ça. C'est ce qui me plaît le plus.
Entretien réalisé par Christophe Steffan
Merci à Thaly pour sa participation


>> Retrouvez également l'émission de France Inter sur Malet avec Nicolas Juncker. Cliquez ici (format Real Player)

Informations sur l'album

Malet

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