Sherlock Holmes - Les Chroniques de Moriarty 2. Accomplissement

À la fin de la première partie des Chroniques de Moriarty, Renaissance, celui-ci poursuivait sa quête des cinq exemplaires connus du Nécronomicon, ouvrage de magie noire, incarnant le Mal décliné à l’échelle humaine. Celui du Napolitain Attilio Toldo qui, en son nom, pratiquait le sacrifice humain, venait d’être détruit. Son propriétaire a été mis en pièces par les Grands Anciens.

L’histoire reprend à Istanbul, où notre homme découvre, sur les traces d’un second volume, le massacre du sérail de son possesseur. Moriarty a un rival qui poursuit le même Graal. New York l’attend, avec deux spécimens du livre maléfique et la confrontation avec celui qui est désormais un adversaire. Parallèlement, le héros, via un flashback récurent, raconte comment il a été initié à la magie par l’égyptien Taher Emara.

Le diptyque Les Chroniques de Moriarty est un nouveau crossover des univers de Sherlock Holmes et de H.P. Lovecraft, dont la collection 1800 des Éditions Soleil et le scénariste Sylvain Cordurié se sont fait les spécialistes. L’ennemi juré du détective londonien n’a pas trouvé la mort dans les chutes de Reichenbach. Il a séjourné dans un espace parallèle du monde des Anciens, dans lequel, à force de tortures et de brimades, il a acquis une résistance, un mental et des pouvoirs faisant de lui une sorte de superhéros.

Les mondes de Conan Doyle et Lovecraft sont l’objet d’extensions artistiques multiples et variées, montrant qu’ils accèdent à une forme d’intemporalité et d’universalité. Pour peu que l’on accepte le principe de leur croisement, il reste à se laisser aller aux libertés et aux excès de la littérature populaire, qui ne sait se restreindre ou mettre un point final. À quoi bon d’ailleurs, lorsque l’univers créé n’a pas tout donné ou quand les personnages gardent un potentiel narratif ?

À ce titre, la conclusion de l'aventure est menée de mains de maître. L’écriture soignée de Cordurié livre un découpage parfait, des dialogues subtils et dosés, ainsi qu’un agencement équilibré et clair des différents épisodes du récit, pourtant riche en retours en arrière et en ellipses temporelles. La dramatisation des situations n’est jamais oubliée et se trouve convoquée à bon escient. Le dessin d’Andrea Fattori et les couleurs d’Axel Gonzalbo sont à l’avenant : techniquement irréprochables et créant les atmosphères lugubres et menaçantes dont l’histoire a besoin.

La littérature fantastique et policière populaire, qui vient du 19è siècle, n’a pas dit son dernier mot. Un regain d’intérêt de la bande dessinée pour les grands anciens est manifeste. C’est la perpétuation d’un certain imaginaire, d’une esthétique identifiable et d’une souplesse narrative qui y gagnent. Les lecteurs aussi.