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épêché par les autorités françaises et associé au lieutenant Varanat, Serge a pour mission d’épauler les forces de l’ordre cambodgiennes dans la poursuite d'adeptes de tourisme sexuel. Une fois sur le terrain, confronté aux horreurs de ce trafic écœurant, il sort vite de son rôle d’observateur et décide de prendre les choses en main. La traque peut commencer !
Ce one-shot de Stéphane Piatzszek et Olivier Cinna se déroule de nos jours, au Cambodge. Les auteurs ne se concentrent pas vraiment sur cette « Fête des Morts », qui s’y déroule fin septembre / début octobre, mais abordent le thème douloureux du tourisme sexuel en Asie du Sud-Est, un fléau qui frappe les plus démunis toute l’année.
Fête des Morts ne s’attache pas au sort de ces enfants sans défense sous forme de documentaire ou à travers le regard d’une des victimes de cette prostitution infantile, mais sur fond de polar noir, à travers les pérégrinations d’un flic français, chargé de collaborer avec la police cambodgienne dans la traque des pédophiles.
Le récit est véritablement porté par ce personnage massif, au sombre passé et au caractère turbulent. Muté loin de Paris, dans la capitale de ce pays totalement corrompu, Serge éprouve beaucoup de mal à se cantonner à son rôle d’observateur face à ce commerce humain nauséabond qui semble cautionné par les autorités et la bourgeoisie locale. Le lecteur s’attache vite à ce héros impulsif qui laisse de côté la paperasse pour s’attaquer au coeur du problème. En confiant l’enquête à un élément extérieur, venu suppléer la police locale, Stéphane Piatszsek s’autorise une approche plus large du problème, à travers les différentes couches de la société cambodgienne, et exprime le dégoût et l’horreur de ce trafic répugnant par le biais de la psychologie soignée d’un homme intègre et entier, qui frappe là où les coups méritent de tomber.
Si, en abandonnant un policier (Commandant Achab) au profit d’un autre, Stéphane Piatzszek évolue en terrain plus ou moins connu, Olivier Cinna change par contre totalement de registre. La douceur des tons pastels de l’excellent Mr. Deeds cède la place à des aplats de noir, plus adaptés au ton du récit. Ce graphisme en noir et blanc accentue le caractère sombre et désillusionné du scénario, tout en restituant l’atmosphère moite et chaude de l’endroit. Si le travail au niveau de l’expressivité et des attitudes de ce personnage principal à la carcasse imposante est aussi très efficace, il faut également respecter la pudeur de ce graphisme qui ne fait que suggérer l’immontrable et restitue le caractère sexuel de l’endroit sous l'angle d'une relation amoureuse que développe le héros avec une prostituée locale.
Porté par un personnage attachant et un dessin intelligent, ce récit s’attaque à un sujet délicat sur fond de polar sombre.
C'est clair qu'on ne peut que louer une oeuvre dont le thème est la lutte contre la pédophilie et le tourisme sexuel au Cambodge. Pourquoi pas une collaboration entre un flic français mal en point et la police locale ?
Pour le reste, j'ai eu l'impression qu'il succombait à son tour en tombant amoureux d'une gamine âgée de 15 ans. Du coup, j'ai ressenti un certain malaise même si tout à la fin, la morale parait sauve. C'est un sujet qui fait froid dans le dos.
Bon point pour un personnage principal assez authentique qui donne du crédit à ce récit glauque.
Un gros héritage de Pratt dans l'utilisation du noir et blanc (en particulier les décors), un scénario à la "Sin City chez les khmers"... Sur un sujet difficile et rarement traité en BD - la prostitution infantile dans l'Asie du Sud-Est, en l'occurrence au Cambodge -, les auteurs livrent un titre qui semble quand même avoir bien du mal à s'émanciper de jeux d'influence, et accumule au final les impressions de "déjà vu".
Rien de déshonorant dans cet polar moite aux atmosphères bien travaillées et au dessin assez superbe, mais il est difficile de ne pas se dire qu'un tel sujet aurait pu appeler un peu plus d'originalité et surtout de subtilité du côté du récit - qui à vouloir traiter tous les sujets (prostitution, pédophilie, orphelinats, corruption, etc.) sans sacrifier à l'efficacité d'ensemble, donne en outre l'impression de mélanger un peu tout... Dommage.