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ne rivière, une promesse sur l’autre rive : de l’or. Un passeur, une sentence sur l’avenir : la mort. Ellis Cutting marque une pause avant de s’enfoncer dans les sous-bois neigeux, comme stoppé dans son élan par la prédiction. Comme conscient de sa destinée, il reprend sa route.
C’est toujours bluffant de voir comme la simplicité peut constituer un gage de qualité. Ce récit est de ceux-là. Construit sur des cycles qui s’enchevêtrent joyeusement les uns avec les autres (par exemple : un chercheur d’or, une pépite, une mauvaise rencontre), le tout est un savant montage parfaitement huilé. Thomas Vieille, jeune auteur, ne se perd pas dans un quelconque effet de mode et utilise un trait tout particulièrement lisible qui lui permet notamment de jouer sur les gestes et attitudes ; effet garanti dans les nombreuses scènes voilées de brouillard où la silhouette devient le principal signifiant. Le résultat visuel est d’autant plus fort que l’organisation des cases les unes par rapport aux autres a été pensée pour jouer là-dessus. Cela donne des séquences d’une ou plusieurs planches qui s’enchaînent avec bonheur et donnent une remarquable cohérence au déroulé de l’histoire.
Mais cette dernière n’est que prétexte, et n’est pratiquement là que pour donner corps à l’idée que ce qui compte réside dans la manière de la conter, d’aller au-delà du fil conducteur. Cela tient à la trempe des personnages, importante dans le contexte rugueux d’une espèce de Klondike enneigé, à son heure de gloire : celle de la ruée vers l’or. Là-dessus, pas d’erreur de casting : chaque protagoniste est campé de manière efficace et avec la dose de folklore nécessaire afin de tenir son rôle comme il convient. L’auteur parvient à saisir et à mettre en exergue ces petits riens qui font mouche, c’est là que réside une bonne portion de son habilité : se concentrer sur l’anodin essentiel. Comme pour le reste, les dialogues sont bien sentis, limités au nécessaire : les bons mots ! Tout cela avec une constante justesse de ton, faite de subtilités fort amusantes et redondantes (dans le bon sens du terme, comme une prédisposition pour le « running gag ») qui devraient permettre une lecture avec un sourire amusé au coin des lèvres de bout en bout.
C’est avec déjà beaucoup de talent que Thomas Vieille a mené à bien Les derniers jours d’Ellis Cutting, son premier album. Maniant un humour tout en finesse et en imbrication, cette histoire inventée de toutes pièces témoigne d’une maîtrise singulière des mécanismes de la narration. Un bel avenir !
Ce western est quand même très curieux. On a droit à la dernière tranche de vie d’un homme sans rien connaître de son passé. On sait juste qu’il fuit un riche magnat en chaise roulante. Il va passer sur une autre berge où il sait qu’il va vivre ses derniers instants. L’important n’est pas de savoir ce qu’il a fait mais comment il va mourir. Et généralement, pour corser le tout, on meurt de la façon la plus inattendue qu’il soit.
C’est le parti pris de l’auteur. Il faut dire que son récit n’est absolument pas ennuyeux. C’est plutôt bien construit. Cependant, j’aurais quand même aimé en savoir plus sur cet homme intelligent et fataliste à la fois. J’ai accepté ce schéma mais j’aurais alors voulu que cela soit en échange de quelque chose d’extraordinaire ce qui ne sera pas le cas. Bref, tout ça pour connaître la façon dont on meurt. S’agissant d’un western, il ne faut pas être devin pour savoir …
Au final, un bon western bien dosé mais dont on espérait quand même un peu plus !
Le titre l’annonce, Thomas Vieille nous invite à suivre les derniers jours d’Ellis Cutting, un redoutable lonesome cowboy dont on ne saura rien, en cavale au milieu de nulle part.
Graphiquement c’est assez sommaire mais très efficace, surtout quand les silhouettes sont happées une à une par le brouillard omniprésent.
La maîtrise est avant tout narrative : le récit est sec, le rythme rapide. Ici pas de psychologie, pas de digression. Juste une poignée de personnages dans une ambiance proche de « Dead Man » de Jarmush ; tueurs à gages en costard, chercheur d’or poissard et passeur mystique menant sa barge d’une rive à l’autre d’un fleuve qui a tout du Styx…
Qui est Ellis Cutting et qu’a-t-il fait pour en arriver là ? Thomas Vieille si tu m’entends, raconte-nous ça !!
Très sympa avec un petit arrière goût de "Dead Man" dans le côté western un peu décalé et mystique. Les bonnes grosses louches d'humour se mêlent à des thématiques plus "profondes" et notamment liés à cette fin de 19ème siècle et à l'entrée dans un nouveau siècle empreint de "modernisme" symbolisé par le cinématographe, signant ainsi la fin de bien de superstitions !? (je m'emballe là peut-être ^^) . Construction, rythme, dessin et couleurs sont vraiment très réussis je trouve et font de ce Ellis Cutting (qui a de vrais airs de Burt Reynolds ?!!) une BD tout à fait recommandable...